Dans les années 70 et les années 80, bien avant l’existence du Snowshow, la compagnie théâtrale de Slava Polunin, Teatr Licedei, se produisait à Leningrad, URSS.

Au départ, il y avait Assissiaï – le personnage de Slava – un clown à plusieurs visages, il pouvait être doux et naïf, pour tout de suite devenir ironique voire déterminé et inflexible en émettant son « Zia ! ».

Ensuite, l’idée est apparue que chaque pan de sa personnalité n’était autre que la base de personnages séparés. Finalement, ce fut l’origine de la création d’une troupe de clowns où chaque participant incarnait une personnalité distincte, bien que familière et facilement reconnaissable par tous les spectateurs. Ce mélange de personnages deviendra le théâtre Licedei ( « Ceux qui font des têtes »).

Pendant 25 ans de légende, ce théâtre est devenu incroyablement populaire et apprécié par le public en Russie et également à la télévision nationale se servant des absurdités de la vie quotidienne dans leurs clowneries. Au fil du temps, et à la suite de la chute du mur de Berlin, la compagnie de théâtre est devenue mondialement reconnue avant de se dissoudre au début des années 90 avec une solennelle session théâtrale funèbre.

Slava Polunin:

 

« …Un jour j’ai réalisé que je voulais créer un show qui pourrait nous ramener aux rêves de notre enfance. Un show qui pourrait aider les spectateurs à s’évader de la prison de la vie d’adulte et redécouvrir leur enfance oubliée.

Ayant choisi le chemin du théâtre, j’ai cherché une façon de lui donner un esprit nouveau.

J’ai voulu plonger dans la tragicomédie pour mesurer jusqu’à quel point on peut fusionner drame et rire.

Je voulais unir dans mon personnage épique et lyrique, tendresse et passion, sagesse et naïveté. »

« J’ai commencé par ralentir mon rythme, pour mettre en valeur les gestes insignifiants, qui me sont alors apparu bien plus expressifs et colorés que les gestes pompeux et solennels. Je me suis attaché aux gestes inaboutis, interrompus, figés, comme coupés court par une idée soudaine.

Puis, un jour, ce show est venu au monde, comme un enfant bien-aimé, dont je ne souhaite jamais me séparer, parce qu’il ne cesse de me surprendre et m’intriguer encore et encore, grâce aux innombrables mystères qu’il cache. Il peut donner de la joie ou du chagrin, il peut divertir et  vous émouvoir aux larmes. De plusieurs façons, ce show m’a permis de me connaître moi-même ; c’est un point marquant dans ma vie personnelle. »

« J’ai emprunte un chemin que très peu de clowns ont foulé, pour étendre les tentacules de  l’art du clown et de la folie jusque-là où on ne les attendait pas. Je me suis plongé dans la tragicomédie pour mesurer jusqu’à quel point on peut fusionner drame et rire – dans un langage inspiré par Gogol et Beckett pour réunir dans mon personnage l’épique avec le lyrique, la tendresse avec la passion, la sagesse avec la naïveté.

Le doux, émouvant Assissiaï a vieilli avec moi, devenant sombre et hésitant. Il n’est plus surpris par les paradoxes du monde extérieur, il s’est complètement dissout dans les paradoxes de sa vie intérieure. Il est devenu plus réfléchi, son ancienne désinvolture vertigineuse a été remplacée par une forme d’inquiétude, comme s’il se trouvait déséquilibré par un mystère qu’il veut désespérément résoudre malgré ses craintes. »

« Petit a petit, les grands traits du show commençaient à se tracer plus clairement devant notre public local qui revenait sans cesse pour assister aux changements quotidiens. On a fini par monter le show et nous nous sommes rendus compte qu’il était temps d’inviter un public international dans le monde que nous avions crée. J’ai essayé de déterminer l’endroit où le show pouvait trouver son public idéal, quel genre de spectateurs et quel genre de critiques je cherchais … J’ai mis longtemps à examiner minutieusement nos possibilités et je me suis décidé pour la plus théâtrale des villes au monde, Londres ; elle était notre meilleure option et le Hackney Empire la meilleure salle pour commencer. Alors sans hésiter, on a vite filé au Royaume Uni pour trois semaines en mettant tout en jeu : mon propre argent, ma carrière, le bien-être de ma famille… Le show a été un succès phénoménal et on a été élu meilleur show de l’année !

Notre première représentation à Londres, a attiré 200 personnes et une semaine plus tard, ils ont dû ouvrir la 3e partie de la salle pour la première fois en 50 ans. On a dépoussiéré les sièges pour accueillir notre public. Il commençait à être impossible de trouver des places. La queue avant le spectacle faisait le tour du quartier. A la fin, les critiques londoniens annonçaient que l’art du clown était de retour dans les théâtres britanniques. »

« Quand on voyage dans un nouveau pays, on découvre non seulement des villes nouvelles, la culture locale et des amis nouveaux, mais on trouve aussi une nouvelle façon de nous voir nous-même et le show. On cherche toujours le langage juste et accessible qui concerne nos spectateurs. Et plus on tombe amoureux de notre public, plus on l’admire, plus notre connexion est forte, plus il nous comprend et plus le retour émotionnel est profond.

Dans mon enquête sur la nature de l’humour et le théâtre dans des pays différents, je suis allé encore plus loin. J’ai commencé à inviter des acteurs internationaux à rejoindre ma compagnie, ce qui s’est avéré une expérience très fructueuse. »

Je ne dirige pas une « compagnie » dans le sens traditionnel du mot. Mon équipe est dispersée partout dans le monde : L’agent habite au Brésil, le metteur-en-scène à Moscou et le directeur financier en Angleterre. Mes acteurs sont originaires du Canada, d’Israël, de la République Tchèque, d’Italie, de France, de Russie, du Royaume Uni ou des USA. Par contre, la plupart d’entre eux sont russophones. Dans ma compagnie, il n’y a pas de rôles fixes, ni de limites professionnelles. N’importe quel clown « Green » peut devenir clown « Yellow », n’importe quel technicien peut se transformer en clown et inversement. »